jeudi 18 août 2011

Le fabuleux destin des dessous féminins

Mode City histoire la lingerie française
Les dessous sont en fête
L'histoire de la lingerie française, c'est avant tout l'histoire du regard porté par chaque époque sur la femme. Jalonnée de conquêtes féminines et de métamorphoses sociales, mais aussi d'innovations, d'audace et d'élégance, elle raconte le destin des marques et ateliers qui ont œuvré pour l'art de plaire et de se plaire. Petit tour d'horizon de cette épopée sensuelle présentée à l'occasion du dernier Mode City.

Embarquement immédiat pour la machine à remonter le temps, bien des siècles en arrière... L'Antiquité cachait la lingerie féminine sous de longs drapés puis vint le Moyen-Age, qui n'a pas davantage libéré le corps de la femme, et la Renaissance, qui stimula plutôt les esprits que les corps. La complexité des toilettes du 17e siècle, elle aussi, masquait la femme d'alors. Il a fallu attendre le siècle des Lumières, avec l'arrivée du libertinage, pour que change un peu la donne dans les relations hommes/femmes: c'est le temps de la soie, du satin et des robes décolletées que Fragonard a su si bien immortaliser dans ses tableaux. Trop occupée par les conquêtes napoléoniennes et le retour de la monarchie au pouvoir, la France de la première partie du 19e siècle oublie ensuite le corps des femmes. 

A l'orée des temps modernes, les dessous font leur révolution

Au début du siècle dernier, on se plaît à raconter, assis sur des chaises Thonet, que la récente tour Eiffel représente une jambe de femme gainée d'un bas résille et que ses quatre piliers sont les attaches du porte-jarretelle, qui succède tout juste à la jarretière... A l'instar des stations de métro Art Nouveau de Guimard, la mode est à la courbe. Paul Poiret, entré chez Worth en 1901, bannit une décennie plus tard le corset au profit d'une ceinture intérieure pour ses robes Empires. Les plissés légendaires néoclassiques de Mariano Fortuny apparaissent.  Bandeaux et brassières aplatissent la poitrine jusqu'à ce qu'en 1913, un soutien-gorge séparant les deux seins soit inventé. Une véritable révolution! Les premiers soutiens-gorge sont en lin avant d'être fabriqués dès les années 20 en soie, mousseline ou en batiste. Ah ces années folles où l'on tente d'oublier la "der des der" en dansant le Charleston et en écoutant du jazz! A la recherche de mouvements sans entrave, la femme adopte les cheveux courts et porte des bas en soie couleur chair ou argentée: la garçonne fait son entrée. En 1929, Marlène Dietrich défraie la chronique en bas et porte-jarretelles dans l'Ange bleu. 


Les culottes ont remplacé les pantalons ouverts d'avant-guerre et le système des tailles de bonnet est mis au point. Le nylon est inventé de même que le mot slip! Les premiers "soutiens- gorge à la Gaby" de Lejaby se fabriquent dans l'arrière-salle du cinéma de Bellegarde, près de Lyon, sous l’œil avisé de Gabrielle Vianney. En 1935, Simone Pérèle obtient son diplôme de corsetière. La même année, Joséphine Baker ravit les coeurs du Tout-Paris dans le film "Princesse tam-tam" qui inspirera bien plus tard les soeurs Hiridjee, fondatrices de l'entreprise éponyme.


Un vent de liberté féminine souffle après-guerre

Les françaises obtiennent le droit de vote en 1945, le New Look signé Christian Dior _seins hauts, taille de guêpe et jupe corolle_ voit le jour  et Simone de Beauvoir est saluée pour "Le Deuxième Sexe". La gaine Chantelle, qui fuselle les hanches, surfe sur la vague.  La vogue du jupon décolle tandis que s'inventent la guêpière et le bikini. Simone Pérèle se singularise en créant des soutiens-gorge en satin, enfin esthétiques! André Fuller, pygmalion de Lucienne, a créé avec elle la société Lou qui innove avec une armature alliant allure et confort. Empreinte signe son plus célèbre lancement avec des soutiens-gorge à effet lifting révolutionnaire. En 1955, Brigitte Bardot attise tous les fantasmes tandis qu'outre-Atlantique,  le souffle du métro new-yorkais révèle les jambes de Marylin Monroe à une Amérique puritaine. Au New Look succède le tailleur de Gabrielle Chanel, sobre et androgyne. Les talons aiguilles se portent avec des bas sans couture. Les 3 profondeurs A, B et C annoncent les bonnets D puis E que Mesdames Tardivelle et Haug mettront au point. La nuisette, la chemise de nuit baby doll et le Lycra entrent en scène. Simone Pérèle lance la première un soutien-gorge en lycra, le "Sole Moi" ainsi qu'un soutien-gorge à pinces dit "Soleil" tandis que Lou impose ses premiers dessous en élasthanne et tissus imprimés puis le "Pantylou", invisible sous le pantalon.

Les années 70 sont synonymes de conquêtes de nouveaux droits

Le film Emmanuelle symbolise la vague du cinéma érotique. Avec l'apparition de la pillule et le droit à l'avortement, le corps de la femme est enfin libéré. Une nouvelle génération de couturiers, Karl Lagerfeld, Yves Saint Laurent, s'affirme. Le pantalon est désormais entré dans les moeurs tandis que le panty est délaissé. Le T-shirt tire son épingle du jeu en devenant alternativement dessous ou dessus. Les sous-vêtements dévoilent toujours plus le corps : slip taille basse, bonnets de soutien-gorge préformés, transparents, voire absents. Dix ans après la création de "Soleil" par Simone Pérèle, le modèle "Pétale", dépouillé, sans dentelles, devient la seconde locomotive de la marque, et la maison lance parmi les premières du marché, le "Papillon". Les fameux Filet et V de Lou épousent les envies des femmes en quête de liberté. Chantelle signe son premier soutien-gorge moulé qui offre une poitrine enfin naturelle et parfaitement tenue. La ligne Liberty de Lejaby sans armature et aux coloris acidulés est elle aussi novatrice. Aubade lance le premier soutien-gorge dos nu puis enchaîne les créations affriolantes comme l'Agrafe Coeur et le Tanga. La maison Dior confie l'exclusivité de la fabrication de ses collants et bas à Gerbe.

Depuis les eightie's, le culte du corps et du high-tech ont le vent en poupe

Chantelle propose aux working girls un "maintien de charme". Caleçons, body et robes moulantes envahissent les vitrines des nouvelles enseignes de prêt-à-porter. Le soutien-gorge souffle ses 100 bougies. Le Lycra se faufile partout. La lingerie de charme emprunte la voie ouverte par le caraco, le string, la guêpière et les portes-jarretelles comme la ligne "Rio" de Lou. Gerbe multiplie les collaborations avec les grands noms de la haute couture française. Dans les années 90, avec la montée des top modèles _Cindy, Claudia, Naomi and co_ une génération d'enfants terribles de la mode apporte un nouveau souffle à la haute couture. Le Wonderbra remporte la palme de la catégorie soutiens-gorge pigeonnants, ces ampliformes qui montent, qui montent... Les collants remonte-fesses se répandent pour un postérieur toujours plus rebondi. La maille microfibre, alors très nouvelle, réussit son entrée avec les modèles "Essensia chez Chantelle, "Amélia" chez Simone Pérèle et "Nuage" chez Lejaby. Avec "Divine", modèle à coque à succès, Chantelle s'internationalise en devenant la première marque de lingerie française haut de gamme dans le monde. La saga cultissime des "Leçons de séduction" d'Aubade débute et annonce le prêt-à-séduire...  


A l'aube du 21e siècle, les talons prennent de la hauteur, stylettos en tête. La microfibre s'affirme, ainsi la lingerie sportive se démocratise et l'effet seconde peau que confèrent les soutiens-gorge sans couture et autres invisibles émerge. L'ère est aux excès: d'un côté, Empreinte offre aux "poitrines généreuses" la profondeur du bonnet G, de l'autre Aubade lance le plus petit string du monde. Gerbe obtient le label "Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV) de Cent ans et plus", décerné par le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, pour sa culture du produit de qualité "made in France". Bref, la consécration!

La maitrise de l'innovation textile associée à la French Touch de nos créateurs, voilà le secret de la longévité de la lingerie made in France. Cocorico!


Le dernier bilan du label EPV, mis en place depuis 2006, en version PDF ici 


Partager cet Article:

Twitter Facebook Yahoo Technorati digg Stumble Delicious MySpace Reddit Mixx LinkedIN FriendFeed Newsvine

Blogger

5 commentaires:

  1. Ce retour vers le passé donne des frissons : on revient vraiment de loin.

    RépondreSupprimer
  2. Interessant ce petit rappel historique

    RépondreSupprimer
  3. Il ne manque plus qu'une histoire mondiale de la lingerie! C'est vrai quoi... Comment ça c'est passé ailleurs?

    RépondreSupprimer
  4. Cool! je vais devenir imbattable sur ce sujet et me la raconter auprès de mes copines :)

    RépondreSupprimer
  5. Comme quoi le "c'etait mieux avant" ne tient pas la route : vive la mode du 21siècle

    RépondreSupprimer